Je ne me souviens plus si nous étions restés longtemps ensemble , suffisamment longtemps pour combler le manque que nous
éprouvions l'un pour l'autre. Le temps n'avait aucune valeur : il était atemporel. Il y avait autre chose que je ne saurais définir, ni identifier qui nous transportait.
Ce qui compte le plus dans de tels moments de bonheur infini, ce sont les mots retenus, souvent mal prononcés, qui sont
blessure et baume à la fois.
Aucun de nous deux ne se rendait compte des dégâts que la séparation allait provoquer.
Elle était d'une sensibilité exagérée ; pourtant, elle n'avait permis à aucune larme de prendre ses joues pour sentier.
Les conservait-elle pour lui tenir compagnie pour un autre moment de solitude?
Désorientée, déboussolée, déroutée par mon départ confirmé, elle me tenait la main ferme, comme pour me retenir, tel ses
larmes au fond de ses yeux.
Nos ultimes propos dépassaient de trop les contours de nos lèvres : avait-elle assimilé les miens ? S'était-elle
attardée dessus ? Rien de tout cela n’avait plus d’importance : Nous étions déjà ailleurs quand l'heure de la séparation avait sonné.
Son sourire était enrobé du chagrin qu'elle essayait par tous ses moyens de dissimuler, vainement. Plus rien en elle ne
répondait. Cela lui échappait. La tristesse débordant de ses yeux démentait le sourire qu'elle s'efforçait de dessiner sur des lèvres asséchées.
Mon départ était imminent et elle s’en rendait bien compte. Elle m’a souhaité bonne route, m’a lâché la main et sans se
retourner, elle a quitté.
J'ai attendu jusqu'à ce qu'elle soit complètement engloutie par la ville, pour pouvoir enfin, à mon tour, prendre la
route avec moins d'hésitation et beaucoup plus de courage, plein de beaux souvenirs cependant.
De toutes les rencontres, seules celles qui ne se renouvelleront que dans l'ailleurs comptent.