"A Oran comme ailleurs, faute de temps et de réflexion, on est bien obligé de s'aimer sans le savoir."
Albert Camus, La Peste
"J'aime l'Algérie, car je l'ai bien ressentie."
Gabriel Garcia Marquez
Ce que le jour doit à la nuit
PARTIE 1
JENANE JATO
CHAPITRE 01.mp3
"Mon père était heureux.
Je ne l'en croyais pas capable.
(..) Je ne lui connaissais pas d'amis.
Nous vivions reclus sur notre lopin de terre, pareils à des spectres livrés à eux mêmes, dans le silence sidéral de ceux qui n'ont pas grand chose à se dire; ma mère à l'ombre de son taudis,
ployée sur son chaudron, remuant machinalement un bouillon à base de tubercules aux saveurs discutables; Zahra, ma cadette de trois ans, oubliée au fond d'une encoignure, si discrète que souvent
on ne s'apercevait pas de sa présence; et moi, garçonnet malingre et solitaire, à peine éclos que déjà fané, portant mes dix ans comme autant de fardeaux.
Ce n'était pas une vie, on existait, c'est tout.
Le fait de se réveiller le matin relevait du miracle, et la nuit, lorsqu'on s'apprêtait à dormir, on se demandait s'il n'était pas plus raisonnable de fermer les yeux pour de bon, convaincus
d'avoir fait le tour des choses et qu'elles ne valaient pas la peine que l'on s'attardât dessus."....