Ces histoires d'amour qui finissent mal (La Princesse de Clèves et Le Lys dans la vallée comme exemples)
On peut s’extasier, dire tout ce qu’on veut sur la lettre posthume d’Henriette, user de tous les superlatifs, exprimer toute sa compassion, mais ne passons pas à côté de l’essentiel. Le Lys dans la vallée, dont est extraite cette lettre est un roman qui relate une histoire d’amour entre une femme mariée, Henriette, épouse chaste et fidèle malgré le tempérament instable et la santé altérée de son mari, et un jeune homme en mal d’amour à peine sorti de l’adolescence, en l’occurrence Félix de Vandenesse, personnage principal et narrateur du récit.
Le problème qui se pose n’est pas tellement l’amour intéressé ou non, il est autre ; et on peut l’exprimer de la manière suivante : Jusqu’où peut-on aller par amour ? et quelle place dans la vie occupe la fidélité aux engagements préalablement pris ? Et de ce point de vue c’est une histoire exemplaire car Henriette, bien que follement amoureuse du jeune Félix, comme l’indique sa lettre posthume, elle ne lui a jamais avoué sa passion et n’a jamais consenti à lui accorder plus que ce que la décence et l’amitié lui autorisait à donner. Pourquoi donc ? Tout simplement parce qu’elle avait le sens de la responsabilité et de l’engagement auquel elle se devait d’être fidèle quoi qu’il lui en coûte.
Cette histoire n’est pas sans nous en rappeler une autre qui présente bien des traits communs avec la première, celle de La Princesse de Clèves, œuvre de Madame de La Fayette. Comme Le Lys dans la vallée, La Princesse de Clèves met en scène une histoire d’amour passionné où une femme mariée est « victime » d’un coup de foudre contre lequel elle lutte désespérément pour préserver non seulement l’honneur de l’homme auprès duquel elle s’est engagée mais surtout l’estime de soi qui, pour elle, ne se conçoit que dans la vertu. Aussi bien Henriette dans le roman de Balzac que la princesse de Clèves dans celui de Madame de La Fayette font preuve de chasteté et de fidélité exemplaire en dépit des assiduités de l’être aimant, Félix pour le cas d’Henriette et le duc de Nemours pour madame de Clèves. Cela dit, ni l’une ni l’autre n’a pu échapper à la condamnation divine en étant frappée de remords leur vie durant ; l’une en est morte, l’autre en a perdu un mari aimant et valeureux et en a gardé un sentiment de culpabilité accablant pour le restant de ses jours, car le prince de Clèves meurt de dépit en apprenant que le cœur de sa femme bat pour un autre.
En fait l’un et l’autre récit obéissent à un raisonnement profondément manichéen qui condamne la passion extra conjugale, même si elle n’est pas consommée, même si elle est combattue. Tout cela pour dire quoi ? Que la passion dévorante est destructrice et désastreuse, voire coupable ; qu’on ne gagne jamais à offenser Dieu en manquant à ses engagements solennels. En définitive, le lecteur doit comprendre que même les sentiments les plus nobles conduisent l’homme à sa perte s’ils ne respectent pas les convenances et s’ils constituent une offense aux lois divines.
Ecrit par Blanche Colombe, le 24 septembre 2010.