Plan du chapitre
Note préliminaire
5.1. La construction « N0 V N1 à N2 »
5.2. La construction « N0 V N1 de N2 »
5.3. La construction « N0 V N1 Prep N2 »
5.4. La construction « N0 V à N1 de N2 »
Note préliminaire
On aura eu l’occasion, au cours des chapitres précédents, de se rendre compte de la complexité du sujet traité. On peut donc imaginer qu’avec la double pronominalisation on atteint le summum de cette complexité. Cela dit, si les règles ci-dessous sont généralement respectées dans la langue écrite, il n’en est pas de même à l’oral, où l’on répète plus facilement l’un des deux compléments au lieu de le pronominaliser, et où l’expression se relâche au point que le pronom objet direct est carrément escamoté. On ne sera donc pas surpris d’entendre des répliques comme :
Tu l’as dit à Max ? – Oui, je lui ai dit au lieu de Oui, je le lui ai dit.
Nous avertissons par ailleurs le lecteur que nous conservons bien évidemment notre système de “règles” mais qu’à la différence des chapitres précédents, nous ne reprenons pas, après la flèche, les deux compléments pronominalisés car les phrases ainsi obtenues auraient été lourdes et bien peu naturelles ; nous compensons cette absence par un jeu de couleurs différentes qui permet de relier les pronoms (à droite) à ce qui est pronominalisé (à gauche).
5.1. La construction « N0 V N1 à N2 »
Parmi les assez nombreux verbes ayant cette construction, citons :
ceux pour lesquels N2 est
humain : amener, apporter, apprendre, avouer, conduire, demander, devoir, dire, donner, envoyer, expliquer, faire, laisser, mener, montrer,
offrir, passer, payer, porter, prendre, présenter, raconter, rappeler, remettre, rendre, reprendre, servir, sortir, ...
et, parmi ceux-là, ceux pour
lesquels N2 peut aussi être non-humain : amener, apporter, conduire, envoyer, laisser, mener, porter, remettre, ...
Pour que sa pronominalisation soit possible, N2 doit être défini. Il peut aussi être un “à Vinf”. (voir ci-dessous 5.1.6. )
N1 peut être défini ou indéfini. Qu’il soit humain ou non-humain n’est pas pertinent. Il peut aussi être un “de Vinf”, une “que P” ou une “Inter P”. (voir ci-dessous 5.1.5. et 5.1.6. )
On a donc les combinaisons suivantes :
5.1.1. N1 est défini et N2 est humain :
Notes :
- 1. L’ordre des pronoms est différent lorsque N2 est un pronom du dialogue (c-à-d. de la première ou de la deuxième personne) : Léa, Max me/te l’a présentée.
- 2. On remarquera un effet “collatéral” de la pronominalisation : les exemples ci-dessus se prêtent également bien à une illustration de la règle d’accord du participe passé employé avec avoir : invariable à gauche de la flèche, il s’accorde à droite puisque le COD le précède.
5.1.2. N1 est défini et N2 est non-humain :
5.1.3. N1 est indéfini et N2 est humain :
5.1.4. N1 est indéfini et N2 est non-humain :
Note :
- Nous avons vu dans un chapitre précédent ( 1.1.3. , note 3) que la combinaison *en y n’était pas admise. On voit ici que, curieusement, la combinaison inverse y en, bien qu’un peu lourde, est quant à elle possible. Elle est notamment très fréquente avec le verbe composé impersonnel il y a (ex. il y en a beaucoup, etc.).
5.1.5. N1 est un “de Vinf”, une “que P” ou une “Inter P” :
Verbes se construisant avec
“de Vinf” : demander, dire, écrire, permettre, (dé)conseiller, recommander, rappeler, ordonner, défendre, interdire, ...
Verbes se construisant avec
“que P” ou “Inter P” : apprendre, avouer, demander, dire, écrire, expliquer, montrer, raconter, rappeler, répondre, ...
Note :
- Dans les cas où, avec les verbes ci-dessus, le groupe “de Vinf” occupe la place de “N1”, la préposition est un mot explétif qui sert de simple support à l’infinitif, à la manière du to anglais. On ne sera donc pas surpris de trouver ici ce groupe en fonction et place d’objet direct, et pronominalisé comme tel. Il faudra donc bien se défier des apparences et ne pas confondre cette construction avec la construction “N0 V à N1 de N2”. (voir 5.4.)
Dans la règle ci-après : le est un pronom personnel neutre et invariable.
La règle théorique est donc la suivante :
... mais le plus souvent, dans la pratique, le complément “à Nh2” étant plus court que tout ce qui peut occuper la place de N1, N1 et N2 sont inversés à gauche de la flèche, mais conservent leur place à droite :
5.1.6. N2 est un “à Vinf” :
Verbes se construisant avec “à Vinf” : amener, conduire, pousser, forcer, contraindre, obliger, inviter, ...
Notes :
- 1. Dans le groupe “à Vinf” – contrairement à ce qui se passe pour le groupe “de Vinf” vu ci-dessus – la préposition n’est ici pas du tout explétive, c’est celle qui entre dans la construction générale “N0 V N1 à N2” examinée dans cette partie. Il est donc normal de trouver ici ce groupe en fonction et place d’objet indirect, et pronominalisé comme tel.
- 2. Il serait théoriquement possible d’avoir un groupe “à ce que P ” à la place de “N2”, mais dans la pratique, avec ces verbes, N1 humain étant de facto à la fois l’objet du verbe principal et le sujet du verbe de la complétive, la grammaire impose l’infinitif.
Notes (suite) :
- 3. On aura tout intérêt à faire étudier les sous-parties 5.1.5. et 5.1.6. en opposition l’une à l’autre, à y faire observer la place – identique – des divers actants, la place – différente – de la préposition à, le rôle explétif de la préposition de, et les pronominalisations respectives. (Max a dit à Luc de venir. # Max a invité Luc à venir.)
5.2. La construction « N0 V N1 de N2 »
Parmi les verbes ayant cette construction, citons : arracher, assurer, éloigner, extraire, obtenir, priver, ramener, rapporter, recevoir, sauver, sortir, tenir, tirer, ... (cf. 2.1.)
Notons une double pronominalisation impossible, celle où N1 est indéfini et N2 non-humain ; elle génèrerait en effet théoriquement l’emploi de deux “en” successifs. Jugeons-en :
Ne subsiste donc que la combinatoire suivante :
5.2.1. N1 est défini et N2 est humain :
5.2.2. N1 est défini et N2 est non-humain :
5.2.3. N1 est indéfini et N2 est humain :
5.2.4. N2 est un “de Vinf” :
Il semble bien que le verbe empêcher soit l’un des rares verbes usuels à pouvoir se construire ainsi.
“de” n’est pas ici explétif comme il l’était en 5.1.5. , mais bien la préposition à part entière propre à la construction.
N1 peut être défini ou indéfini. Selon les cas, la pronominalisation est différente :
5.3. La construction « N0 V N1 Prep N2 »
Les verbes sont les mêmes que ceux vus en 5.1. Rappelons-en quelques-uns : chercher, coller, conduire, emmener, envoyer, jeter, laisser, mettre, passer, poser, remettre, trouver, ... (Pour les diverses “Prep”, voir 3.1.)
5.3.1. N1 est défini et N2 est humain :
5.3.2. N1 est défini et N2 est non-humain :
5.3.3. N1 est indéfini et N2 est humain :
5.3.4. N1 est indéfini et N2 est non-humain :
5.4. La construction « N0 V à Nh1 de N2 »
Les choses sont ici beaucoup plus simples. Cette construction ne concerne en effet qu’un très petit nombre de verbes usuels, essentiellement parler et servir, que nous allons examiner successivement.
Pour l’un comme pour l’autre, il semble bien que N1 ne puisse être qu’humain. Réglons d’abord le cas de servir.
servir : il est plus usuel de dire “N0 sert de N2 à Nh1” que “N0 sert à Nh1 de
N2” ; en effet, “servir de N2” est semi-figé avec un N2 sans déterminant (servir d’esclave, de mari, de faire-valoir, etc.), ce qui en rend la
pronominalisation impossible. Seul Nh1 restant pronominalisable, il n’y a donc plus que la possibilité d’avoir des phrases comme :
Max sert de faire-valoir à Luc. → Luc, Max lui sert de faire-valoir.
Il vaut donc mieux carrément verser le verbe “servir de Nfigé” au nombre des verbes composés construits avec “à N1” (cf. 1.2.1.).
Si bien qu’il ne nous reste plus qu’à examiner le cas de parler :
parler : il semble bien que, pour être pronominalisables, N1 et N2 ne puissent être que définis, ce qui limite la combinatoire aux deux cas suivants :