Le mot pomme est issu du bas latin « poma » et est connu en français depuis l’an mil. Il a remplacé le vieux mot latin classique « malum ». Initialement chez les anciens romains, le nom de pomme (« malum » puis « poma ») s’appliquait à tous les fruits des arbres fruitiers qu’ils soient à noyaux ou à pépins. Ainsi à Rome, Pline l’Ancien dans son Histoire Naturelle appelait de nombreux fruits du nom de pomme : la pêche s’appelait pomme de Perse, la grenade pomme punique ou pomme à grains, le coing pomme de Cydon, l’abricot pomme précoce.
Ce sont les romains qui ont développé l’arboriculture et l’art de la greffe pour obtenir de nombreuses variétés de pommes. Dans les pays de langue d’oc, en Italie et en Roumanie, le mot pomme désigne toujours de nombreux fruits, dont la tomate que les Italiens appellent depuis le XVIesiècle, date de son arrivée du nouveau monde, « Pomodoro » ou pomme d’or.
En langue d’oïl, l’usage du mot pomme s’est restreint au fruit du pommier. Mais on a continué à appeler pomme de nombreux fruits et légumes : ainsi en est-il de la pomme de pin et de la pomme de terre qui a remplacé l’ancienne dénomination de « cartoufle ». On a aussi nommé durant les grandes explorations des XVIe au XVIIIe siècle de nombreux fruits tropicaux sous le nom de pomme : pomme caffre, pomme cajou (noix de Cajou), pomme canelle (anone), pomme canaque (fruit de la passion) et au Canada, l’Acadien parle de pomme de pré pour la canneberge.
Il faut cependant dire que dans les représentations médiévales et
renaissantes de la Vierge à l’Enfant, la pomme, qui représente le rappel du Péché originel, est parfois remplacée par une grenade ou une figue (symboles féminins, rappelant la tentation d’Adam
par Eve et le serpent) voire même par du raisin, qui lui représente symboliquement le sang du Christ et son sacrifice. La pomme est restée dans la tradition chrétienne le fruit de l’arbre de la
connaissance et le symbole de la chute de l’homme.
Dans les mythologies modernes la pomme apparaît aussi : la méchante reine tend à Blanche Neige une pomme empoisonnée, rappelant la dualité chrétienne de la pomme symbole de l’hypocrisie
cachant sous une beauté apparente un ver qui la ronge, comme le carpocapse avant les traitements par les pesticides. Guillaume Tell doit perforer d’une flèche la pomme placée sur la tête de son
fils. Des arbres magiques aux pommes d’or apparaissent aussi dans le Seigneur des Anneaux de J.R. Tolkien. Et la tombe du Roi Arthur se situe dans l’île mythique
d’Avallon, du gaulois « abello » qui signifie pomme.
La pomme a perdu depuis son caractère mythologique pour devenir depuis des siècles un produit de grande consommation. Le Ménagier de Paris, recueil de conseils
domestiques d’un grand bourgeois à sa jeune épouse sous Charles V, cite des recettes à base de pommes. Chaque verger possédait ses pommiers de différentes espèces, et souvent de longue
conservation dans les fruitiers. Monsieur de la Quintinie, directeur des jardins fruitiers et potagers du Roy sous Louis XIV, dit que les pommes sont « une partie assez
considérable (des fruits à pépins) tant par leur bonté et leur durée, que par la commodité que nous avons d’en avoir ». Il parle de Reinettes mais surtout de pommes aux noms
oubliés : Calville, Fenuillet, Courpendu, Api qu’il qualifie de « pomme de Demoiselle et de bonne compagnie », Violette, Rambour, Pommes de Glace
« ainsi nommées, parce qu’en mûrissant il semble qu’elles deviennent transparentes », Haute-bonté, etc...
Il avait développé les cultures de pommes en espalier et sous serre pour les obtenir à contre-saison ce qu’appréciait fort le roi Louis XIV. Les traités de pomologie du
XIXe siècle en recensent des centaines de variétés.
Malheureusement de nos jours, la standardisation des cultures et la recherche de l’aspect plutôt que du goût ont réduit comme peau de chagrin les variétés disponibles dans le commerce :
Golden, Granny-Smith, Gala, Starking, Reinette et parfois Belle de boskoop. La mythologie de la pomme reste présente dans notre langage quotidien : la pomme de discorde rappelle le jugement
de Pâris et la saillie du larynx pomme d’Adam a été ainsi nommée en raison du fruit de l’arbre de la connaissance du récit de la Génèse qui serait resté coincé dans la gorge
d’Adam.
Croquons donc une pomme, ou mangeons une tarte fine aux pommes !
Source : Canal académie