Mardi gras - 20 février (1849). Tu as raison, ce jour-ci est aussi un doux et charmant anniversaire. Je n’oublierai jamais cette matinée où je sortis de chez toi, le coeur ébloui. le jour naissait, il pleuvait à verse, les Masques déguenillés et souillés de boue descendaient de la Courtille avec de grands cris et inondaient le Boulevard du Temple. Ils étaient ivres et moi aussi ; eux de vin, moi d’amour. A travers leurs hurlements, j’entendais un chant que j’avais dans le coeur.
Je ne voyais pas tous ces spectres autour de moi, spectres de la joie morte, fantômes de l’orgie éteinte, je te voyais, toi douce ombre rayonnante dans la nuit, tes yeux, ton front, ta beauté, et ton sourire aussi enivrant que tes baisers.
Ô matinée glaciale et pluvieuse dans le ciel radieuse et ardente dans mon âme ! Souvenir ! Tout cela me revient en ce moment, au milieu, de cette autre foule de masques qu’on appelle l’Assemblée Nationale, et qui, eux aussi, sont des fantômes.
Je t’écris comme je te parlerais, au hasard, mais sûr de ne rien tirer de mon coeur, ô mon doux ange, qui ne soit de l’amour.
Je t’envoie toute mon âme pour remplir tes rêves de cette nuit.