Dire que l'art est difficile, suppose chez l'auteur de la phrase l'ignorance totale des mots dont il se sert. Qu'est-ce
qui est difficile ? Un chemin, un client, un problème. Puis-je m'exprimer ainsi : le ciel est difficile... ? Oui, si je consens à mettre une majuscule au firmament, ce qui est un moyen de le
personnaliser. Car difficile est une épithète qui ne peut se joindre qu'au défini. C'est pourquoi l'art n'est pas difficile. Il n'est pas facile non plus. Mais difficile et art ne peuvent être
réduits au commun diviseur du verbe être. On voit par l'exemple qui précède que labeur surhumain est celui de l'homme qui armé d'une lanterne s'avance au milieu des livres pour y dépister les
baraliptons. La critique, c'est le bagne à perpétuité. Pas de repos pour un critique.
Je demande à ce que mes livres soient critiqués avec la dernière rigueur, par des gens qui s'y connaissent, et qui
sachant la grammaire et la logique, chercheront sous le pas de mes virgules les poux de ma pensée dans la tête de mon style. Parfaitement. Chaque ligne peut servir de prétexte à une infinie
quantité de notes en petits caractères.
On sait que le propre du génie est de fournir des idées aux crétins une vingtaine d'années plus tard.
On peut mesurer l'influence et la force d'un esprit à la quantité de bêtises qu'il fait éclore.
Paradis artificiels. C'est un pléonasme.
Mon style est comme la nature ou plutôt réciproquement.
Bien écrire, c'est comme marcher droit.
Si vous écrivez, suivant une méthode surréaliste, de tristes imbécillités, ce sont de tristes imbécillités. Sans
excuses.
La vie d'un homme, on me permettra cette remarque, n'est pas plus à l'échelle d'une phrase qu'à celle de la critique de
cette phrase. Je me révolterai toujours contre tout essai de réduction d'un être vivant à une sorte de mannequin, dont les faits et gestes seraient compréhensibles à la façon des faits et gestes
des monarques notés au jour le jour d'après des communiqués officiels.
Je vis dans des conditions qui me sont données, est-ce que j'ai choisi la forme de mon nez, la force de mon poing ?
Quand vous lisez ce que j'écris, ne l'oubliez pas, la vie est un langage, l'écriture un tout autre. Leurs grammaires ne sont pas interchangeables. Verbes irréguliers.
A toute erreur des sens correspondent d'étranges fleurs de raison.
Il est permis de rêver. Il est recommandé de rêver. Sur les livres et les souvenirs. Sur l'Histoire et sur la
vie.
Il est plus facile de mourir que d'aimer. C'est pourquoi je me donne le mal de vivre. Mon amour...
Il n'y a pas de poésie, si lointaine qu'on la prétende des circonstances, qui ne tienne des circonstances sa force, sa
naissance et son prolongement.
J'ai réinventé le passé pour voir la beauté de l'avenir.
Jamais peut-être faire chanter les choses n'a été plus urgente et noble mission à l'homme.
Je n'ai jamais rien demandé à ce que je lis que le vertige.
Je ne serai pour personne une excuse, pour personne un exemple.
Jusqu'ici, les romanciers se sont contentés de parodier le monde. Il s'agit maintenant de l'inventer.
L'avenir c'est ce qui dépasse la main tendue.
L'enfer existe. Il est la part du plus grand nombre.
La parole n'a pas été donnée à l'homme: il l'a prise.
La poésie, notre poésie se lit comme le journal. Le journal du monde qui va venir.
La vie est un voyageur qui laisse traîner son manteau derrière lui, pour effacer ses traces.
Le propre du génie est de fournir des idées aux crétins une vingtaine d'années plus tard.
Un beau soir l'avenir s'appelle le passé. C'est alors qu'on se tourne et qu'on voit sa jeunesse.