Voilà une expression très usitée et dont le véritable sens n'échappe à personne, bien qu'on ne se rende pas compte de
l'orthographe du mot chère.
Pourquoi n'écrit-on pas plutôt "chair" ? Il semble que cette orthographe serait plus en rapport avec la signification.
Pour se rendre raison de cette apparente anomalie, il suffit de remonter à l'étymologie du mot chère et d'en préciser l'acception primitive.
En latin, cara était employé pour "visage", et la langue espagnole a conservé ce mot avec la même
signification. On dit cera en italien, et l'on disait chère, chière en vieux français.
Par métonymie, "chère" se prit pour accueil, réception favorable ou défavorable faite à quelqu'un. Nous employons
"visage" dans le même sens quand nous disons : "Faire bon visage, mauvais visage à une personne". Un ancien proverbe disait : belle chère et coeur arrière.
"Chère" dans le sens d'accueil n'est plus usité. Or, un des points essentiels du bon accueil est d'offrir à son hôte une
table bien servie. Le vieux proverbe belle chère (bon accueil) vaut un mets, fait allusion à cet usage.
Par métonymie, on a pris "chère" pour l'appliquer exclusivement à une réception hospitalière.
Enfin, on a généralisé ce terme, et il comprend aujourd'hui tout ce qui concerne la quantité, la qualité et la
délicatesse des mets : faire une chère délicate ; aimer la bonne chère.
Comme nous voilà loin de la signification du primitif cara, visage !
(Texte basé sur les études de l'éminent linguiste Bernard Cerquenglini)