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Le bon usage

Le bon usage

Mon blog est consacré essentiellement au bon usage de la langue française. Il est donc, spécialement conçu et destiné aux collégiens,lycéens, étudiants,et notamment aux amoureux de la langue de Molière.


Histoire de la ponctuation

Publié par Fawzi Demmane sur 24 Novembre 2009, 21:03pm


Histoire de la ponctuation

Ah ! La ponctuation ! Comme cela exaspère ! Ou… Au contraire, comme elle sied bien à la compréhension de ce qui pourrait être illisible et totalement inaccessible à la logique humaine et surtout follement essoufflant sans cette petite virgule… Fort à propos ! D'ailleurs, qui n'a pas failli mourir au moins une fois, charrié, bousculé, épuisé, à la lecture d'une envolée proustienne ? Une phrase, huit pages et hop là ! Suffit de suivre l'histoire...

Évidemment, la ponctuation n'est pas née en même temps que les signes graphiques. Les langues, dans toute l'Europe, se sont raffinées au cours des siècles mais leurs premières manifestations se couchaient, tout d'un trait, sur un papier sans qu'aucune interruption n'intervienne dans le débit des mots. Les textes se déroulaient comme d'interminables rubans de lettres, sans majuscules, sans distinction de paragraphe, sans possibilité d'aparté. Il fallait comprendre tout d'un bloc et sans doute relire plusieurs fois le manuscrit afin de lui octroyer un sens plutôt qu'un autre.

Il semble que ce soit au cœur de la grande bibliothèque d'Alexandrie que la volonté d'une ponctuation ait pris forme sous la tutelle de trois grammairiens successifs, pendant le 3e et le 2e siècle av. J.-C. : Zénodote, Aristophane de Byzance et Aristarque. On leur doit, selon les historiens, la division en chapitres, certains accents ainsi que les trois points, signes fondateurs de la ponctuation. Le premier de ces points, nommé le Point Parfait, se plaçait après la dernière lettre, dans le coin supérieur, et indiquait que la phrase portait un sens complet. Le second point, appelé le Sous-Point, se trouvait quant à lui, dans le coin inférieur suivant la dernière lettre et correspondait, en quelque sorte, au point final actuel. Enfin, le troisième point, aussi dit le Point Médian, se situait à mi-hauteur après la dernière lettre et faisait office de point-virgule.

Malgré ces efforts pour rendre au lecteur une langue plus aérée, plus intelligible, les copistes boudèrent ces réformes et c'est plutôt à travers le latin que s'instaura un système de ponctuation au 4e siècle ap. J.-C. Saint-Jérôme en fut l'instigateur. Il reprit les trois points des bibliothécaires d'Alexandrie et ajouta une division aux textes en les affichant en colonnes, ce qui permettait de donner un sens distinct aux colonnes, chaque colonne exprimant une idéologie différente. Il intégra également quelques signes à la langue pour identifier clairement des parties de phrase ainsi que les incises.

On ne sait trop à qui l'on doit l'idée des espaces entre les mots, les blancs, mais cette innovation, devenue courante au 7e siècle ap. J.-C. rendra la lecture possible à un plus grand nombre d'individus. Séparer les mots, c'était déjà leur reconnaître une individualité et ainsi renforcer leur sens.

On doit aussi souligner l'emploi de la majuscule par les moines copistes et les enlumineurs, qui l'introduisirent dans les manuscrits pour orner le commencement des chapitres. Ils intégrèrent le pied de mouche, par ailleurs, afin de forcer l'attention sur un sens ou un élément particulier du texte.

En l'an 1434, lorsque l'imprimerie apparut, les conventions linguistiques allaient changer. Parce qu'il fallut codifier la typographie, on inséra peu à peu des signes de ponctuation. Le point, la virgule et les deux-points devinrent les indications en usage. Il fallut cependant attendre encore cent ans, en 1533, pour que la majuscule fasse son entrée dans l'univers typographique, suivie de l'apostrophe. Le point d'exclamation, issu des effervescences langagières de Florence, serait né à peu près à la même époque.

Parce que l'imprimerie permettait tant de possibilités, autant en terme d'impressions qu'en terme de diffusion, les copistes, malgré de remarquables talents d'artiste, cédèrent inévitablement la place aux typographes. Or ces derniers comprirent l'importance de rendre les textes plus clairs. De nouveaux signes apparurent alors, sous la dictature des typographes et un traité, celui de Dolet, fut agréé, en 1540, comme étant le référant absolu en matière de ponctuation. Déjà, on pouvait y voir le point, la virgule, les deux-points, le pied de mouche, le point d'exclamation, les parenthèses, les alinéas, la croix, le point d'interrogation, l'astérisque ainsi que des pictogrammes tels que la petite main, le losange, le soleil, la lune.

Ces codes ne firent évidemment pas l'unanimité et plusieurs auteurs ne les respectèrent jamais. Comme on ne leur accordait alors qu'une valeur de pondération respiratoire, on s'en moquait comme de sa chaussette trouée... Cependant, vers la fin du 18e siècle, le grammairien Nicolas Beauzée, convaincu de l'importance que la ponctuation pouvait apporter au sens d'un énoncé, réussit à en prouver la valeur syntaxique. Un engouement pour la ponctuation grammaticale découla de cette observation et les éditeurs tombèrent dans une sorte d'intégrisme de la ponctuation, ce qui les poussa même à corriger et à ponctuer avec exagération, de sorte qu'ils sabotèrent le sens d'origine de nombreux textes qu'on leur confia durant cette époque.

Aujourd'hui, la ponctuation, réglementée, encadrée par les différents traités de grammaire agréés, ne lèse plus personne, sinon quelques étudiants réfractaires. Elle est évolutive et permet aussi quelques transgressions, au nom de l'art et de la libre expression. Enjolivée par les pictogrammes d'Internet et les nouvelles significations qu'on lui présume via les moyens de communication actuels (e-mail, chat, langage sms, etc.), la ponctuation est toujours dans le coup, malgré tous les maux de tête qu'elle peut causer, notamment dans les dictées de monsieur Pivot ;)

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